Demi-Marathon MTL 2016

texte/photo : Gophrette Power

 

Il est 8:00am et le fond de l'air est frais sur le pont Jacques Cartier. La voix de l'animateur résonne dans les enceintes placées à chaque entrées des corrals. Il annonce 8° Celsius et que le ciel va rester dégagé toute la journée. Carole et moi faisons quelques aller/retour histoire de chauffer la mécanique. On fait aussi quelques selfies, mélangés à la foule de notre corral, le numéro deux. On a bien évalué notre organisation et du coup on n'attend pas trop longtemps pour le coup d'envoi de la course. Carole court le Marathon et moi le Demi-Marathon.

Le tout nouveau titre "I'm a Pre-Chewed Star" de Chakigagaïhanna arrive tout juste à couvrir le décompte de l'animateur qui hurle encore plus fort. 3... 2... 1... BAM. Notre corridor se met en mouvement tel un bataillon en pleine charge. Pas d'explosion ni de balles qui fusent dans les airs pour nous aujourd'hui. Notre seul ennemi est le temps. À peine deux cents mètres de parcourus que je dois d'urgence faire un arrêt pipi. Surement que cette nouvelle chanson de pop-consommation a le pouvoir de me donner envie sans aucun contrôle. Allez hop, ce buisson fera l'affaire... tabarnak, ça ne s'arrête plus. J'ai dû perdre au moins cinq bonnes minutes à jaser avec ce buisson. Il a du croire que l'animateur s'était trompé au sujet de la météo. Mais le temps qu'il comprenne j'étais reparti. Tout les coureurs de mon corral sont déjà rendu loin. Mais le terrain est en descente et ça me facilite une foulée assez rapide. "C'est de la vitesse gratuite" me dit Bart en télépathie. Alors je me laisse aller et commence à rattraper du monde. Le slalom géant commence car je ne fais que doubler du monde. Quand je suis dans une zone dégagé je me tasse sur la droite et double par la gauche. Principe de base qui est assez dur à respecter car beaucoup courent juste où bon leur semble sans se soucier s'il y a du monde derrière eux qui courent un peu plus vite. Donc j'anticipe les obstacles, les foulées, je saute entres les concurrents, cours sur les bas cotés, fait en sorte de ne gêner personne. Il y a vraiment beaucoup de monde.

Quatrième kilomètre, je retrouve Carole qui est sur son pace marathon. Je la dépasse et elle me dit "Tu cours à 5:02/km du kilomètre, tu peux courir plus vite quand même... PATATE". Car oui, je n'ai pas de montre. Je cours en écoutant mon corps. Je fais en sorte de me placer juste au dessus de ma zone de confort. Mais j'ai quand même mon iPhone dans ma banane/banane* avec Strava qui tourne. Mon pace à ce moment précis était de 4:20/km . Mais je ne le sentais pas... Du coup, j'accélère un peu et continue à slalomer et me retrouve à faire du 4:15/km. J'étais juste bien.

Sixième kilomètre, on entre enfin sur le CGV. J'avais hâte d'y arriver pour pouvoir courir normalement et commencer à me concentrer sur ma foulée. Je continue toujours à rattraper des concurrents et pour le moment personne ne me dépasse, c'est plutôt bon pour le moral. Je m'accroche à certains sur quelques foulées, puis les dépasse. Le circuit est large donc tout le monde peu courir sur sa ligne sans être un obstacle pour les autres.

Le dixième kilomètre m'indique qui est temps d'avaler un petit gel, et hop... slurp-slurp. Pourtant toute la machine va très bien, mais prévenir c'est guérir alors je me régale et garde ce bon pace de 4:29/km... Ça fly bien sur CGV. Je fais même le bruit du moteur avec ma bouche en regardant le panorama sur le centre-ville à ma gauche.

Douzième kilomètre, on embarque sur la piste cyclable du pont de la Concorde qui parait large en temps normal, mais là avec tout ce monde elle parait très étroite. La vue sur Montréal est encore mieux d'ici mais le slalom humain recommence. Je le traverse en courant sur le trottoir car moins de monde et je commence à remarquer des coureurs qui me dépassent. Je suis pourtant à 4:39/km, mais ça je ne le sais pas à ce moment. Sur l'Avenue Pierre Dupuis je commence à avoir des signes de fatigue. C'est sous la forme d'une légère douleur à la cheville gauche que ça se manifeste. Je me dis que j'ai du me relâcher physiquement quelques minutes du coup mon corps m'envoie de petits messages pour me réveiller. Je me redresse, ré-ajuste ma foulée, me penche un peu vers l'avant, balance mes bras plus haut et fais en sorte d'avoir une poussée régulière et énergique.

Quinzième kilomètre, nous sommes au Five Roses et la petite douleur est toujours là. SHIT... Même pas arrivé au vieux port que j'ai déjà une faiblesse. Mon pace est de 4:30/km à ce moment. Mais on commence à croiser des supporters qui nous crient dessus comme du poisson pourri et ça me redonne doucement de l'énergie. Sur la rue De La Commune, tout le monde se tasse sur la gauche en prévision du prochain virage qui est quand même encore loin. Cette rue est légèrement courbée vers la droite alors je cours sur la droite, pas pour gagner du temps et de la distance mais parce que c'est totalement dégagé. Malgré les montées (petites foulées) et descentes (tente de garder le contrôle) qui commencent à faire leur apparition j'essaie de garder le rythme, je suis à 4:37/km.

Dix-septième kilomètre, nous courrons sous les guirlandes de boules roses de la rue Sainte Catherine et nous sommes littéralement agressés par des gens qui nous crient dessus de toute part. Ça donne des ailes. La douleur à la cheville gauche vient de passer du stade "Ça m'en touche une, sans bouger l'autre" à "Criss... Il est où le fun?". À chaque foulée, ma cheville est en feu. Mais je n'ai évidement pas le choix de continuer. Pas moyen de me mettre à marcher aussi prêt du but, après tout ce temps passé à m’entraîner et puis c'est surtout que cette course est comme ma petite revanche sur ma chute à vélo de début de saison. Je dois la finir, et sous les 01:45:00 sinon je me laisse pousser les cheveux et je les décolore toutes les deux semaines. La montée Berry, mon repère psychologique. Je me la tape en petites foulées rapides car je prévois d'accélérer comme un barge arrivé en haut. J'aperçois Jacinthe, Bart et la petite Jasmine en équilibre sur le terre-plein au milieu de la rue. Ils me crient dessus, eux-aussi. Voilà, on y est, rue Cherrier et l'avenue du Parc La Fontaine. Je suis au taqué. Ma cheville est en éruption volcanique. Il est clair que je ne pourrais plus marcher de la semaine après une torture pareille. Je suis à 4:00/km, à mon maximum physique et mental. Ma mâchoire est en béton car mes dents sont fortement serrées les unes contres les autres. Mes yeux n'accrochent absolument plus rien, peut-être qu'ils sont fermés ou juste que je n'arrive plus à faire le focus sur quoi que ce soit, je ne sais pas. J'avance comme je peux.

Vingt et unième kilomètre, sur la rue Rachel je suis à 3:55km/km, plus qu'un ostie de virage sur la droite et c'est la ligne d'arrivée. J'essaie d'accélérer encore plus, sur les quelques mètres qui me font passer sous l'arche d'arrivée, je suis à 3:35/km, ma plus rapide cadence à vie. Ma cheville me fait penser à ces petites capsules qui reviennent de l'espace, qui prennent feu au contact de l'atmosphère. La mienne a pris feu en passant la ligne d'arrivé sous les 01:40:23.2 (sportstats).

 

Photoreportage sur le Marathon de Montréal, fait après ma course : Marathon MTL 2016