Gaspésie 1000 : Jusqu’au Bout Du Monde

text : Pierre-Alexandre Cardinal - photo : Gophrette Power

 

6h du matin, au bout du quai de Ste-Anne-des-Monts. Le soleil tarde, le départ se fait à la lumière de nos frontales, à l’air frais, sous une atmosphère électrisante. La lointaine lueur du soleil levant émettait des reflets rosés et orangés sur un ciel dégagé. Quelques nuages, comme de petites vagues ondulantes, consacraient la continuation du ressac des flots contre le quai, canevas parfait pour le départ d’une aventure hors du commun. Hors du commun et colossale : 10 coureurs, et plus de 1000 kilomètres de course à relais, sur les routes et sentiers du littoral gaspésien. Pour cinq jours et nuits.

Frontière. Là où la boréalie québécoise rencontre le littoral marin Atlantique. La nature ici est indomptée, sauvage, quoique délicate et gracieuse. Dans nos mythologies, elle laissait cette folle envie pour la magnificence des écosystèmes marins complexes, pour les forêts anciennes qui nous entouraient, ainsi qu’une profonde révérence pour ces imposants sommets immaculés qui nous regardaient de loin, couverts de tourbes arctiques où gîtent les élusifs caribous de Gaspésie. L’opportunité pour nos enjambées de fouler les grèves rocheuses et les barachois sablonneux qui marquaient notre trajet était un réel privilège, dévoilé tout au long de ces segments dans des rivières à saumons glaciales, et des forêts profondes, alors que notre chemin nous menait vers le Bout du Monde.

Mer. Comme notre chemin suivait la seule route qui cerclait tout le périmètre du littoral péninsulaire, les communications avec la personne en course commençaient, à la blague, d’un « où en es-tu? », auquel on répondait « J’ai le St-Laurent/la mer sur ma droite ». Parce qu’elle était omniprésente, la mer, toujours à portée de vue, baignée de cette atmosphère maritime, en flot constant sur notre horizon. C’était cet air marin qui nous accompagnait toujours, de façon auspicieuse, ou un peu moins quand il nous soufflait en plein visage à 60km/h. Parfois, cet air marin s’accompagnait du rythmique « voom voom voom » des éoliennes, flore moderne locale, qui le découpait en cadence. Parfois, l’air était calme et serein, comme dans la Baie des Chaleurs, où l’environnement marin plus rigoureux de la côte nord faisait place à une canopée verte-tournant-sur-l’orangé, et où les champs timides, en friche automnale, roulaient lentement vers les falaises tombant dans la mer, vers la pointe du Bout du Monde. 

Rencontres. La course à relais fonctionne, à la base, par des connexions entre des coureurs, des rencontres. Littéralement, c’est la rencontre entre deux coureurs qui marque le relais en soi. Mais le phénomène est aussi bien plus profond, et ceux qui sont familiers avec ce genre d’aventures de longue distance savent de quoi je parle. Ces longues heures passées dans un VR, ou dans un camp de base quelconque… en support les uns des autres. On apprend à partager l’espace, en même temps que l’on partage une expérience hors du commun qui nous mène à dépasser nos limites, physiques comme mentales, et parfois même émotionnelles. Il y a quelque chose de transcendant à ces rencontres, à ces connexions, quelque chose qui se révèle dans l’épreuve, la douleur, et les sacrifices, la sueur et les larmes, mais aussi par les rires, le bonheur et les souvenirs partagés. Et Jean-Marcel Raymond. Sans commentaires, allez voir sur youtube.

Écosystèmes. Mais cette aventure recelait bien plus qu’un défi sportif et une aventure. Quand on s’unit dans l’épreuve, il y a toujours plus. Il y avait, au-delà de ce qui unissait notre petite communauté en mouvement, ce qui était partagé et ressenti avec le monde et les écosystèmes naturels et humains qui ont marqué notre route. Ces écosystèmes et leurs gardiens, ceux qui vivent de cette richesse naturelle qui les entoure, de la forêt et de la mer, cette nature qui offre son abondance aux initiés, ont tant eu à nous partager. Leur munificence est saisissante, même dans ces espaces parfois éloignés, lorsqu’on sait où et comment la trouver; d’abord avec reconnaissance et respect pour ces milieux uniques. Et elle s’est révélée, littéralement, par l’abondance des légumes marins et champignons cueillis, des vues imprenables, des parfums boréals et marins enivrants, de la mélodie des rivières coulant de l’hinterland, et du chant des oiseaux au lever du soleil. Sans oublier les litres de bière consommés!

C’est dans l’épreuve qu’on s’unit et qu’on se rejoint. Physiquement, comme émotionnellement. À priori, l’idée d’un relais d’aventure de 1000km était un peu folle. Mais, pour nous, rien ne faisait plus de sens. Un seul mouvement circulaire, uni par la rencontre entre coureurs et écosystèmes naturels et sociaux, jusqu’au Bout du Monde. L’humanité, depuis toujours, est en mouvement, et ne s’est jamais arrêtée et c’est un réel privilège d’avoir fait partie de ces écosystèmes et de ce mouvement ne serait-ce que pour un instant.

Supporté par Tourisme Gaspésie


Client: Tourisme Gaspésie
Direction des opérations: Jérôme Grenier-Desbiens
Production: Pierre-Alexandre Cardinal / Samuel Ostiguy
Scénarisation: Pierre-Alexandre Cardinal/ Samuel
Ostiguy
Réalisation/Direction Photo: LC Pilon
Montage/Son: LC Pilon