IM70.3MT 2019

texte/photo: Gophrette Power

 

Ce n’est pas la première fois que je chasse le triathlète sur le parcours du IronMan 70.3 de Tremblant. Je le connais assez bien et avec l'expérience je sais comment photographier cette course en effectuant un tracé bien précis d’une vingtaine de kilomètres, en mode marche active. Cela me permet de voir les professionnels et les premiers groupes d'âges dans les trois disciplines. Mais cette fois-ci, c’était différent car j’avais une mission bien précise. Suivre Eric Lagerstorm, triathlète professionnel et ainsi avoir un bel article à rédiger pour Cycle Presse. Voici donc un petit récapitulatif de mon SafaTri-Photographique.

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05:54:08AM : Comme à mon habitude j’arrive sur la ligne de départ, la plage du Lac Tremblant, à la dernière minute et il m’a fallu un petit moment avant de repérer Eric car les 25 Pros présents sont tous habillés et ont la même shape qu’un Avenger. Dès le moment ou je l’ai enfin localisé, je me suis littéralement jeté dans ses pieds. Mais il n’a pas remarqué ma présence, pourtant je suis proche, très proche. Il est totalement dans sa bulle, super concentré et ne fixe qu’une seule chose: l’horizon.

Mais laissez-moi vous décrire les quelques minutes qui ont précédées ce moment pour vous décrire la scène qui se déroule devant mes yeux. À chaque édition, l’organisation met le paquet pour que les participants et leurs fans clubs n’oublient jamais cette journée et ça commence avec la cérémonie protocolaire qui est composée du cortège des officiels devancés par des joueurs de cornemuse portant le kilt. Suivi de près par l’hymne national qui se termine d’une façon magistrale avec le survol d’un CF-18 de l’Aviation Royale Canadienne synchronisée pile poil sur la dernière note. Ce qui provoque littéralement des frissons à toute l’assemblée qui se met à hurler et applaudir sans retenue. Le tout également accompagné de quelques pleurs de jeunes enfants et d’aboiements que l’on devine dans le fond de la foule.

06:03:31AM : Le coup de canon vient de retentir appuyé d’explosions pyrotechniques et d’un second passage surprise du CF-18, histoire de remettre une couche sur les émotifs du coin. Dès lors, les athlètes se mettent dare-dare à sprinter dans le lac comme des enragés un jour de soldes. Je peux vous le garantir, un départ de masse composé de 25 Avengers est quelque chose d’assez impressionnant à voir. Surtout lorsque que l’on est tellement proche d’eux que l’on mange un peu de sable. Note à moi même : “Fermer la bouche sur un départ de Pro”.

06:17:54AM : Je me régale à photographier les athlètes qui avancent lentement vers le Rolling Swim Start. Je fais de larges cadrages de la situation et d’autres plus serrés, comme des portraits dont certains sont gelés par le stress. Je cherche les moindres petits détails comme cette paire de gougounes littéralement abandonnées dans le sable ou ses petits messages codés inscrits sur les mains de certains, comme pour ne pas oublier de manger sur la partie vélo ou de passer au magasin après la course pour profiter des soldes. Mais là, j’ai littéralement perdu la chronologie du temps et de vue ma mission. C’est à ce moment précis que ma course a commencé et je me mets finalement à courir moi aussi. Le temps de me rendre à la sortie de la nage, je vois Eric qui cours sur le tapis rouge qui le mène à sa T1. Jeeezzzz…. Il a nagé les 1.9km à 1:11/100m donc en 00:22:48. Ce qui fait de lui la 1ème personne à sortir de l’eau dans la catégorie Pro. Oui, Eric est un bon nageur et il l’a encore prouvé sur ce coup. Mais moi qui voulais photographier sa T1, à savoir la transition nage/vélo, c’est donc raté. Pas le temps de ressasser cette erreur dans ma tête. Je me concentre sur la partie vélo et me remet à courir vers la moto qui m’attend.  De l’autre côté de la zone de transition.

07:12:29AM : Oui, vous lisez bien. Entre le moment où j’ai vu Eric courir sur le tapis rouge et celui où je le retrouve sur son vélo, il s’est quasiment passé une heure et nous sommes tout proche du demi-tour sur la 117, au 32ème kilomètres du parcours. À ce moment, Eric a perdu trois places. Mais il reste quand même assez proche de ses concurrents pour tenter de rectifier la situation dès qu’il en aura l'occasion. Je ne suis pas tendre avec le déclencheur de ma Fuji Film. Ma petite flânerie sur la plage une heure auparavant m’a surement fait rater de belles images en T1, alors je le mitraille dans tous les sens en criant mes informations à mon chauffeur, comme un surfer contrôle sa planche sur une vague à Hawaii. “PLUS VITE, RESTE À SON NIVEAU, PASSE DE L’AUTRE BORD… OK, ON VA PRENDRE UN PEU D’AVANCE… ICI...” Je saute de la moto. Je cherche un cadrage. Je shoot. Je remonte sur la moto et on recommence la même chorégraphie deux/trois fois.

07:34:20AM : C’est quelques minutes ont paru durer une éternité et une fois rassasié, nous avons quitté Eric pour revenir vers la zone de transition, qui est installé sur le P1 de Tremblant. De là, je suivrai tranquillement Eric sur la cinquantaine de kilomètres qui lui reste à rouler via l’application qui traque les participants.

Sur le retour, on roule beaucoup moins vite qu’à aller car c’est définitivement le rush-hour sur la Montée Ryan. On y croise les quelques 2600 triathlètes inscrits à cette course sur leurs machines aux allures futuristes, dans un silence quasi-religieux. Il sont vraiment très nombreux et ce spectacle m'hypnotise un peu. Là aussi, je n'hésite pas à faire quelques images pour tenter de vous partager ce moment. Nous n’irons pas plus loin que le P1, car sur le Chemin Duplessis les véhicules motorisés n’y sont pas autorisés durant la course et c’est bien dommage car j’y connais quelques angles de prises de vues qui seraient intéressantes à faire avec tout ce monde. Mais même si j’y allais en vélo via la piste cyclable, je raterais l’arrivée d’Eric en T2. Bref, je reste concentré sur la mission. Direction la zone de transition.

08:39:00AM : Je vois Eric qui court pieds nus en poussant son vélo de la main droite à l’entrée de la zone. Tout a l’air correct. En regardant ses statistiques sur la partie vélo, on peut la comparer à celle du mouvement d’un yoyo. Je m’explique. Il l’a commencé en 1ème position et il a dégringoler dans le classement tout au long les 90 kilomètres jusqu’à la 6ème position. Mais durant la T2, les choses ont changé. Je ne sais pas vraiment ce qui c’est passé à ce moment précis car j’avais mon oeil rivé sur lui à travers ma lentille. Je n’ai donc pas vu la scène, mais tout indique qu’il a été très efficace. Voici ce que mes images ont révélées par la suite. Ils sont trois à arriver en même temps, Eric accroche son vélo et commence à mettre ses chaussettes et ses chaussures de course à pied sans faire attention à ce qui se passe autour de lui. Toujours très concentré. Le tout sous les regards des spectateurs avides de détails qui pourraient surement améliorer leur T2 à leur prochaine course. C’est seulement une fois bien chaussé qu’il retire enfin son casque et saisit sa casquette dorée dans laquelle est placé son dossard qu’il installe autour de sa taille alors qu’il se dirige vers la sortie de la zone de transition et ainsi commencer le parcours de course à pied de 21.1K. Il en sort en 4ème position. Très efficace.

Ça c’est fait. J’ai finalement la T2 en boite. Mais ma mission n’est pas finie et je me mets de nouveau à courir, mais cette fois-ci vers le stand de mes amies de Brava Triathlon car mon vélo m’y attend.

09:17:05AM : Après avoir pédalé sans m'arrêter, je retrouve finalement Eric… Mais devinez où? Et bien encore une fois, c’est au demi-tour du parcours sur le Petit Train du Nord que sa silhouette apparaît à nouveau avec une belle opportunité de cadrage car c’est dans le tunnel qui passe en dessous de la Montée Ryan. Clic, clic, clic, clic. Je vous rappelle que lui, il court et que moi je suis à vélo. Certe avec mon matériel photo sur le dos, mais il m’a fallu approximativement 40 minutes pour le rattraper. C’est pas croyable à la vitesse qu’il court. J’ai à peine le temps de trouver un cadrage qu’il est déjà dedans, voir passé. Je le chasse littéralement. Je pédale sur la piste cyclable en faisant très attention aux autres athlètes et j'assiste en direct à sa remontée dans le classement. Sa foulée est tellement efficace que l’on oublie qu’il vient de se taper 1.9K de nage et 90K de vélo. C’est un peu avant à la sortie du Petit Train du Nord, au 15ème kilomètre qu’il dépasse à nouveau son adversaire Andrew Yorder, qui l’avait rattrapé sur la partie vélo quasiment au niveau où j’avais précédemment retrouvé Eric. Quel suspense, je suis juste à côté de lui, à le photographier et on voit très clairement Brent McMahon qui se bat pour la deuxième place juste là, à quelques mètres de nous. Mais plus on se rapproche de la ligne d’arrivé, plus l'écart entre les deux athlètes va se creuser. 

09:59:09AM : Pas le temps de suivre Eric dans la rue principale de Tremblant pour son sprint final. Je vais directement sur la ligne d’arrivée. Je dépose à nouveau mon vélo au stand Brava Triathlon et cours à travers la foule. Mais il y a tellement de monde sur l'événement que je rate malgré tous mes efforts son arrivée sous la tant convoitée arche IronMan. Je le retrouve tout tranquille sur la troisième place du podium en train de sabrer une bouteille de champagne. Eric a couru le 21.1K en 01:16:22 à un rythme de 3:37/km alors que ses adversaires, Brent McMahon, 2ème place et Jackson Laundry 1er place, étaient à 3:31/km. Il attrape malgré tout une marche sur le podium avec un temps de 03:52:42 et c’est bien mérité.

Moi aussi je suis assez content de ce que je viens de vivre. Je n’avais jamais pousser autant sur un événement de ce type et ce fût une belle opportunité de pouvoir être au plus proche de l’action en tête de course. Cette expérience m’aura fait parcourir 97K, trajet moto inclut, en 03:37:44.

Conclusion : Je ne compétitionne que très rarement dans des courses officielles. Mais je m’entraine tous les jours dans les trois disciplines depuis plus de 5 ans maintenant. Aujourd’hui, mes objectifs sont simples et ne nécessitent pas d'être le plus fort. Juste d’être assez en forme pour pouvoir suivre des athlètes de haut niveau et surtout pour comprendre ce qui se passe dans leur tête et ainsi faire en sorte de trouver des bons cadrages pour vous faire vivre ce qu’ils vivent durant ces instants où leurs limites physiques sont poussées très loin au dessus de la limite.

Eric Lagerstorm 3ème place 03:52:42

Nage : 1.9K 00:22:48

Vélo 90K : 02:10:30

CAP 21.1K : 01:16:22

https://www.sportstats.ca/display-results.xhtml?raceid=101084

Mon Strava :

https://www.strava.com/activities/2474985849